Antonio Cilloniz de la Guerra

Traducciones al francés

POÈMES D' ANTONIO CILLÓNIZ
(TRADUCTION: MARÍA DEL CARMEN SOTILLOS RUBIO)

III, 379 DANS LA RÉPUBLIQUE DE PLATON
I
Sur les cartes ne vient pas signalé
le lieu de mon exil,
parce que l'on a ordonné d'effacer
le nom des terres, qui m'ont emmené
où j'habite enfermé.
Et l'endroit exact
où j'ai été déraciné,
reste en dehors de la carte.

II
Proscrit dans l'oubli je fus,
condamné au silence j'ai été,
non seulement comme un mort
à qui l'on arrache la vie,
mais même dépouillé de sa propre naissance.

III
Seule mon ombre
m'a accompagné dans l'exil.
Je remercie l'Empereur,
qui me permet de sentir
que l'Empereur est mort,
que l'Empire n'existe pas.

IV
Loin du tyran,
je célébrerai la paix,
ce calme si désiré,
ma liberté secrète,
ma victoire ignorée,
avec mon écriture solitaire et silencieuse.

DE LA REPÚBLICA DE PLATÓN
I: En los mapas no viene señalado/ el lugar de mi exilio,/ porque el nombre de las tierras, que me llevaron/ a donde hoy vivo confinado,/ se mandó borrar de los mapas;/ y el sitio exacto/ al que fui desterrado/ incluso queda fuera/ de todo mapa.
II: Condenado al olvido fui,/ sentenciado al silencio he sido;/ no sólo como un muerto/ a quien se le despoja de la vida/ sino que de su propio nacimiento es despojado.
III: Sólo mi sombra/me acompañó al exilio;/ doy gracias al Emperador/ que me deja sentir/ que el Emperador está muerto,/ que el Imperio no existe.
IV: Ya lejos del tirano,/ celebraré la paz,/ esa tranquilidad tan anhelada,/ mi libertad secreta,/ mi ignorada victoria,/ con mi escritura solitaria y silenciosa.

III, 385 DE LA PERMANENCE DANS L'ÊTRE OU LE VENT EN AUTOMNE
Le vent en automne entraîne vers les fleuves
des pousses de printemps déjà fanés.
Ses feuilles et ses fleurs sont en été
ces serviettes-là en papier qui flottent
parmi des verres en plastique.
Et bien que mes yeux en hiver
puissent contempler deux fois cette même image,
mon esprit sait que ce seraient d'autres yeux
qui regarderaient.
Tout devient différent à mon souvenir
parce que les choses changent tellement avec le temps,
que les voir ressemble à l'oubli.

DE LA PERMANENCIA EN EL SER O EL VIENTO EN EL OTOÑO
El viento en el otoño arrastra hacia los ríos/ brotes de primaveras ya marchitas;/ sus hojas y sus flores en verano son/ aquellas servilletas de papel que flotan/ entre envases de plástico./ Y aunque mis ojos en invierno/ pudieran contemplar dos veces esa misma imagen,/ mi mente sabe que otros ojos/ serían ya los que miraran./ Todo se torna diferente a mi recuerdo,/ porque las cosas cambian tanto con el tiempo,/ que verlas me parece olvido.

III, 389 DU MÊME FRUIT
Après avoir suivi un très long sentier vers les montagnes,
péniblement je marchais entre des ronciers et des épines.
Quand enfin, solitaire et silencieux, j'ai trouvé une petite clairière,
je me suis agenouillé.
J'ai sorti une graine que je gardais dans la poche
et je l'ai jetée dans ce trou que je venais
d´ouvrir avec un seul doigt.
Avec les paumes de mes mains j'ai commencé à tout recouvrir
jusqu'à faire un petit tas
de tourbe et de bruyère.
Et c'est ainsi que moi-même j'ai semé
un seul embryon de mon espoir.

DEL MISMO FRUTO
Después de seguir un larguísimo sendero hacia los montes,/ fatigosamente caminaba entre espinos y zarzales./ Cuando al fin, solitario y silencioso, hallé un pequeño claro,/ me puse de rodillas./ Saqué una semilla que guardaba en el bolsillo/ y la precipité en el hoyo, que antes había/ abierto con un dedo./ Con las palmas de mis manos lo fui cubriendo todo/ hasta dejar un pequeñísimo montículo/ de brezo y turba./ Así sembré yo mismo/ un solo embrión de mi esperanza.

III, 401 J'AI VU DES TERRES PLUS GRANDES ET PLUS BELLES
J'ai vu des terres plus grandes et plus belles que la mienne. J'ai aussi connu des gens aimables et débonnaires. J'ai même obtenu une maison assez accueillante. Et ce n'est pas que je méprise tout ce que l'on m'a offert. Mais j'aime avant toute chose ma nation, parce que c'était elle la première que j'ai vue et je continuerai à l'aimer, ainsi, en amont du reste, parce qu'y sont nées les personnes que j'ai aimées jadis et que maintenant je pleure.

HE VISTO TIERRAS MÁS GRANDES Y MÁS HERMOSAS
He visto tierras más grandes y más hermosas que la mía. También he conocido gente amable y bondadosa. Incluso he conseguido una casa bastante acogedora. Y no es que yo desprecie todo cuanto me ofrecieran. Pero yo amo a mi pueblo, más que nada, porque ha sido el primero que vi y lo seguiré amando, así, por encima del resto, porque en él han nacido los seres que antes amé y que ahora lloro.

III, 408 LA PATRIE
La Patrie ce n'est pas
l'horizon vertical,
l'ombre embrouillée,
l'inextricable sentier de la forêt vierge
ni ces énormes blocs
de pierres grises des Andes,
ni ce sable rougeâtre du désert,
ni cette écume-là jaunissante
que les vagues de la mer nous apportent;
ce n'est pas du tout cela une nation,
mais peut-être seulement un hymne
et par hasard à peine un drapeau...
Les pays sont
à l'intérieur des hommes:
Dans l'esprit et le cœur
d'autres comme nous sommes.

LA PATRIA
La patria no es/ el horizonte vertical,/ la enmarañada sombra,/ la inextricable senda de la selva/ ni esos enormes bloques/ de piedras grises de la sierra,/ ni esta arena rojiza del desierto,/ ni aquella espuma amarillenta/ que las olas del mar nos traen;/ no es nada de eso una nación,/ sino tal vez un himno solo/ y acaso una bandera apenas.../ Los países están/ en el interior de los hombres:/ En la mente y el corazón/ de otros como nosotros.

III, 412 L'ENFANT QUE J'AI ÉTÉ
L'enfant que j'ai été
n'a presque rien appris de lui-même.
Je peux le contempler maintenant depuis ma vieillesse
plus amoureusement qu'une mère
et en même temps le comprendre
mieux que notre père.
Et en dépit de me percevoir,
cet enfant ne m'a jamais connu.
Sinon,
il ne se serait pas senti tellement seul.

EL NIÑO QUE YO FUI
El niño que yo fui/ no supo apenas nada de sí mismo./ Yo puedo contemplarlo ahora en mi vejez/ más amorosamente que una madre/ y al mismo tiempo comprenderlo/ mejor que nuestro padre./ Y a pesar de intuírme,/ ese niño jamás me conoció./ Si no/no se hubiera sentido tan profundamente solo.

III, 420 JE VOIS DANS LES PIERRES MES ÊTRES MORTS
Je vois dans des pierres mes êtres morts; les corps de leurs êtres morts; rigides, cois, fixes; qui ne grandissent ni ne bougent; parce que la pierre est inanimée, inerte, immobile, en plus lourde, raide et stérile.
La pierre n'imite pas le mort, elle le représente; ils se montrent en elle, non pas d'une façon palpable et tangible, mais d'une manière métaphorique ou symbolique, comme les héros dans leurs monuments; ainsi ils comparaissent sous la forme de désir, de nostalgie ou de promesse; bien que leur absence soit quelque chose que l'on trouve aussi présente dans chaque pierre.

VEO EN LAS PIEDRAS A MIS SERES MUERTOS
Veo en unas piedras a mis seres muertos; a los cuerpos de sus seres muertos; rígidos, quietos, fijos; que ya no crecen ni se mueven; porque la piedra es inanimada, inerte, inmóvil, además de pesada, yerta y estéril.// La piedra no imita al muerto, lo representa; en ella se manifiestan, si no de un modo palpable y tangible, al menos de una manera metafórica o simbólica, como están los héroes en sus monumentos; así comparecen en forma de deseo, de añoranza o de promesa; aunque su ausencia es algo que también se encuentra presente en cada piedra.

III, 383 QUOIQU' ILS SOIENT ÉGAUX
Un même Soleil
traverse les terres
des Landes françaises
ou les falaises du Pays de Galles.
Mais le Soleil du Pérou est différent
comme le sont ses chaînes de montagnes;
un même ciel se reflète
dans la Seine et la Tamise
et tous les deux emportent des eaux identiques
dans une même mer.
Mais la mer du Pérou
est différente, comme sont différents
ses fleuves et son ciel, au Pérou,
dont je me souviens maintenant.

AUNQUE SEAN IGUALES
Un mismo Sol/ atraviesa las tierras/ de las landas francesas/ o los acantilados del País de Gales./ Pero el Sol del Perú es distinto/ como distintas son sus sierras;/ un mismo cielo se refleja/ en el Sena y el Támesis/ y ambos llevan aguas idénticas/ a un mismo mar./ Pero el mar del Perú/ es diferente, como diferentes son/ sus ríos y su cielo, en el Perú/ que ahora yo recuerdo.

III, 378 OÙ FINIT LE CHEMIN
Là finit le chemin
mais ce voyage doit continuer encore.
J'avancerai toujours parmi des ombres
de choses que je n'avais jamais vues auparavant
et que je ne reverrai jamais.
Cependant mon esprit restera serein,
en sachant que la fin du voyage arrivera
quand le dernier bout du chemin sera ouvert
si brusquement qu'un corps épuisé tombant à terre.

DONDE ACABA EL CAMINO
Acá acaba el camino/ pero este viaje debe continuar./ Seguiré avanzando entre sombras/ de cosas que antes nunca había visto/ y que jamás volveré a ver./ Aunque mi espíritu se mantendrá sereno,/ sabiendo que el final del viaje llegará/ cuando la última trocha del camino sea abierta/ con la brusquedad con la que suele caer un cuerpo exhausto en tierra.

III, 405 LES DEMEURES
J'habite dans le faubourg d'un bourg.
Tout le long du littoral
les villes grandissent
jusqu' à se rassembler;
près du bord de l'eau
la nuit elles ressemblent à
un lumineux collier étalé:
Elles ont beau s'étendre
la maison où j'habite reste
toujours dans les faubourgs.

LAS MORADAS
Vivo en el arrabal de un burgo./ A lo largo del litoral/ las poblaciones van creciendo/ hasta juntarse;/ junto al borde del agua/ por la noche semejan/ un luminoso collar extendido:/ Por mucho que se extiendan/ la casa donde habito queda/ siempre en los arrabales.

III, 406 LE LIEU OÙ SE TROUVE MON ÂME
Mon âme n'est pas
dans l'intérieur de mon corps,
mais là-bas, loin, plus au delà de lui, auprès de ceux qui souffrent
dans les catastrophes.
Mon esprit
n'est pas chez lui,
mais chapardant dans les rues
semblable à un chien affamé mendiant une caresse.
Parce que mon corps a quitté
le lieu, où réside encore son âme.

EL LUGAR DONDE SE ENCUENTRA MI ALMA
Mi alma no está/ en el interior de mi cuerpo,/ sino allá lejos, más allá de él, junto a los que sufren/ en las catástrofes./ Mi espíritu/ no está en su casa,/ sino merodeando por las calles/ igual que un perro hambriento mendigando una caricia./ Porque mi cuerpo se marchó/ del lugar, en donde reside todavía mi alma.

III, 381 L'ARRIVÉE DU COURRIER
Il est arrivé un courrier;
il apporte des nouvelles de la famille
qui est restée pour assister
à la détérioration des choses,
dont elle n'aura aucun souvenir
parce qu'elle n´en a pas la nostalgie.
Je les évoque maintenant,
quand un sentiment d'impuissance me saisit
par le retard de toute réponse.

LA LLEGADA DE UN CORREO
Ha llegado un correo;/ trae noticias de los familiares/ que se han quedado a presenciar/ el deterioro de las cosas,/ de las que no tendrán ningún recuerdo/ porque no sienten añoranza de ellas./ Yo las evoco ahora,/ cuando me embarga un sentimiento de impotencia/ por la tardanza de cualquier respuesta.

III, 382 LE BAGAGE
Les clefs de la maison
dans laquelle je ne retournerais jamais
–même si après
l'on en changeait plusieurs fois la serrure–
je les emporte dans la poche du costume
qui me servira d'habit de défunt.

Note du traducteur: Étant donné qu'en espagnol ce n'est pas obligatoire avec les verbes la présence des pronoms personnels, dans la version originelle le sujet du poème est ambigu car ces formes verbales en espagnol servent de même pour la première et la troisième personne du singulier.

EL EQUIPAJE
Las llaves de la casa/ a la que nunca volvería/ –aun cuando varias veces/ se cambiara después la cerradura–/ las llevaba en el bolsillo del traje/ que serviría de mortaja.

III, 384 DE MA PROPRE NATIONALITÉ
Finalement
ma nationalité consiste
maintenant, après tant d'années
à ne me sentir qu'étranger;
non pas parce que ma patrie est derrière l'horizon,
de l'autre côté de l'océan
ou sur l'autre face de la planète,
dans un lieu différent,
mais parce qu'elle est hors du temps;
ou seulement et toujours avec la persistance
de mon souvenir, de ma nostalgie,
et de ma de plus en plus
faible mémoire.

DE MI PROPIA NACIONALIDAD
Al fin y al cabo/ mi nacionalidad consiste/ ahora, con el paso de los años/ en sentirme extranjero;/ no en que mi patria esté detrás del horizonte,/ al otro lado del océano/ o en la otra cara del planeta,/ en un lugar distinto,/ sino fuera del tiempo;/ o solo y siempre persistentemente/ en mi recuerdo, en mi añoranza,/ en mi cada vez más/ débil memoria.

III, 387 JE REGARDE LE MIROIR
Au coin obscur de ma chambre
le miroir qui a été mon cortège pendant les voyages
depuis au delà de l'horizon carré de ma fenêtre,
depuis au delà du ciel presque sphérique de l'hémisphère sud,
où avec l'étamage de la nuit, maintenant
se reflètent mes souvenirs,
est aujourd´hui comme absent.
J'ouvre les yeux pour revoir
sur le visage spectral de ses dessins
les orbites des yeux en friche
un jour aussi gris que l'argent de mes cheveux blancs,
que l'argent du cristal qui reflète des cendres.

MIRO AL ESPEJO
En el rincón oscuro de mi cuarto/ el espejo que fue mi séquito en los viajes/ desde más allá del horizonte cuadrado de mi ventana,/ desde más allá del cielo semiesférico del hemisferio sur,/ donde con el azogue de la noche/ hoy se reflejan mis recuerdos,/ ahora está como ausente./ Abro los ojos/ para volver a contemplar/ en la cara espectral de sus dibujos/ unas cuencas baldías;/ en un día tan gris como la plata de mis canas,/ como la plata del cristal que refleja cenizas.

III, 388 DES SOUVENANCES
Le souvenir fut un verre
rempli par les pluies.
Maintenant dans ma mémoire,
néanmoins, tout est soif.

REMEMBRANZAS
El recuerdo fue un vaso/ colmado por las lluvias./ En mi memoria ahora/ todo es sed, sin embargo.

III, 390 AU VIEIL ORME MILLÉNAIRE
Cette couleur rougeâtre
et sa saveur terreuse
viennent de loin,
et depuis longtemps
tout près du lieu
où l'empereur habitait.
Aujourd'hui tout mon organisme le célèbre.
Je ne prends de l'arbre que ces poires-là
que mon besoin a mûri.

AL VIEJO OLMO MILENARIO
Este color rojizo/ y su sabor terroso/ vienen de lejos,/ y de hace muchos años/ muy cerca del lugar/ donde el emperador vivía./ Hoy todo mi organismo lo celebra./ Cojo del árbol solo aquellas peras/ que mi necesidad ha madurado.

III, 392 JE SUIS DANS L'EXIL
Je suis dans l'exil
–comme je l'étais dans ma propre patrie–,
toujours tout seul avec moi-même.
Mais maintenant je vieillis,
je me vois grisonnant et me courbant.
Et cet enfant là que je cherche encore dans les miroirs avec de la nostalgie
surgit et s'évanouit dans mon souvenir.
L'impérissable est la suite du transitoire.
Qu'est-ce que ça me fait que le temps passe
si je rêve encore que c'est hier
et que mon esprit est le même.

ESTOY EN EL EXILIO
Estoy en el exilio/ –lo mismo que en mi propia patria estaba–/ siempre a solas conmigo./ Pero ahora envejezco,/ me veo encaneciendo y encorvándome./ Y ese niño que aún busco en los espejos con nostalgia/ surge y se desvanece en mi recuerdo./ Lo imperecedero es la sucesión de transitoriedades./ Qué me importa que el tiempo pase,/ si todavía sueño que es ayer/ y es el mismo mi espíritu.

III, 393 À L'ÉGARD DE MON ENFANCE
Je m'assieds sur cette plage ouverte à la mer
pour contempler les vagues
qui viennent de l'Amérique.
Mon enfance bien que lointaine
n'est jamais absente.
Malheur à celui qui ne voulait pas être jusqu'alors comme il était,
et malheur à celui qui maintenant veut être celui-là.
Que reste-t-il de lui?,
si mon passé a été son futur
ou son même espoir
ma propre mésaventure.

ACERCA DE MI INFANCIA
Me siento en esta playa abierta al mar/ a contemplar las olas/ que vienen desde América./ Mi infancia aunque lejana/ nunca está ausente./ Ay, del que entonces no quería ser como era,/ y, ay, del que ahora quiere ser aquel./ ¿Qué queda de él?,/ si mi pasado ha sido su futuro/ o su misma esperanza/ mi propia desventura.

III, 394 SUR L'ESSENCE DE L'ÊTRE
Qu'adviendra-t-il de moi
jusqu'à la tombe?
J'ai déjà laissé sur le chemin
appendice et amygdales,
un morceau d'intestin,
les molaires une à une:
Ce que j'ai laissé derrière moi toutes ces années,
un jour me rejoindra.

SOBRE LA ESENCIA DEL SER
¿Qué es lo que llegará de mí/ hasta la tumba?/ Ya he ido dejando en el camino/ apéndice y amígdalas,/ un trozo de intestino,/ las muelas, una a una:/ Lo que haya dejado atrás todos estos años,/ cualquier día me acabará alcanzando.

III, 308 OÙ LA MORT
Du pays des Huacas je suis, où la mort
Tel le linceul recouvrant une momie
prend soin de la vie au pied des collines habitées
par des tunnels de mines.
Du pays des Huacas je viens,
où les vivants mettent des pierres
au plus profond des vallées,
aux carrefours du chemin
et tout en haut des collines
aux divinités des hommes,
les animaux et les choses
sans réussir à enterrer entièrement
les esprits de la terre.
De même que la mort
marche par dessous les pierres,
mes jambes s'enfonçant
dans le sable des dunes,
ainsi
du pays des Huacas j'arrive
pour chanter ses collines
habitées par dieux, hommes et démons.

Note du traducteur: Les Huacas sont les tombeaux des anciens péruviens.

DONDE LA MUERTE
Del país de las huacas soy, donde la muerte/ como el manto que recubre una momia/ cuida la vida al pie de cerros habitados/ por túneles de minas./ Del país de las huacas vengo,/ donde los vivos ponen piedras/ en lo más hondo de los valles,/ en las encrucijadas del camino/ y en lo alto de los cerros/ a las divinidades de los hombres,/ los animales y las cosas/ sin llegar a enterrar del todo/ los espíritus de la tierra./ Como la muerte está/ con su pie caminando por debajo de las piedras,/ hundiéndose mis piernas/ bajo la arena de las dunas,/ así/ del país de las huacas llego/ para cantar sus cerros/ habitados por dioses, hombres y demonios.

III, 310 NOUS DEVIONS SAVOIR
Nous devions savoir où et comment engraisser les terres
et combien ou quand jachérer;
et en plus nous devions savoir aussi labourer;
et nous avions à distinguer, enfin, parmi les fruits
lesquels oui ou lesquels non
nous serviraient de semence.

DEBÍAMOS SABER
Debíamos saber dónde y cómo abonar/ y cuánto o cuándo barbechar;/ y además teníamos que saber también arar;/ y habíamos de distinguir, al fin, entre los frutos/ cuáles sí o cuáles no/ nos servirían de simiente.

III, 311 INVOCATIONS
Ici la brebis,
ici aussi l'herbe;
après, ici la laine ;
ici le maïs, ici la pluie avec le soleil;
ici aussi la plante de la pomme de terre.
Là la grêle, là les foudres;
là aussi les oiseaux et le vent.
Ici aussi la vie,
Ici toujours la graine;
là la maladie;
la mort, jamais ici.
Des chevaux, qu' il n'y en ait pas et des chiens non plus.

INVOCACIONES
Acá la oveja,/ acá también la yerba;/ después la lana acá;/ acá el maíz, la lluvia con el sol acá;/ acá también la planta de la papa./ Allá el granizo, allá los rayos;/ allá también los pájaros y el viento./ También acá la vida,/ siempre acá la semilla;/ allá la enfermedad;/ la muerte, nunca acá./ Caballos no haya, ni tampoco perros.

III, 312 DE L'ARC-EN-CIEL
Au bout de l'arc-en-ciel,
où naît et meurt l'arc-en-ciel,
il y a un enchantement;
parfois on dirait le vent et ce sont les revenants,
parfois on dirait des esprits
et ce sont les branches des arbres qui bougent,
parfois il y a aussi des ombres qui se plaignent;
les ombres des arbres et le vent
comme un fantôme.
Au bout de l'arc-en-ciel,
d'où tout naît et rien ne meurt,
nous irons tous les deux.

DEL ARCO IRIS
Al final del arco iris,/ donde nace y donde muere el arco iris,/ hay un encantamiento;/ a veces parece el viento y son las almas en pena,/ a veces parecen espíritus/ y son las ramas de los árboles las que se mueven,/ a veces también son las sombras las que se quejan;/ las sombras de los árboles y el viento/ como un fantasma./ Al final del arco iris,/ de donde todo nace y nada muere,/ los dos iremos.

III, 313 NOTRE ORIGINE
Notre origine n'est pas dans les sarcophages,
ne repose pas dans les cryptes
ni ne se cache dans les catacombes.
Un peuple sans histoire!
Nos exploits n'ont pas la matrice des monnaies
ni de sceaux
sur les documents.
Nous sommes d'une race sans zigurats ni pyramides
sans plus de monuments que les traces que nous laissons
sous notre pas.
Notre racine est aux arbres.
D'eux descend notre ombre.
Et notre lignage court en traversant la prairie
avec le sang des guanacos.
Notre esprit peut être vu
à travers les gouttes transparentes de la pluie,
de la sueur ou des pleurs.

NUESTRO ORIGEN
Nuestro origen no está en los sarcófagos,/ no reposa en las criptas/ ni se esconde en las catacumbas./ ¡Un pueblo sin historia!/ Nuestras gestas no tienen el cuño de las monedas/ ni sellos/en documentos./ Somos de una raza sin zigurats ni pirámides./ Sin más monumentos que las huellas que dejamos/ a nuestro paso./ Nuestra raíz está en los árboles./ De ellos desciende nuestra sombra./ Y corre por la pradera nuestro linaje/ con la sangre de los guanacos./ Nuestro espíritu puede verse/ a través de las gotas transparentes de la lluvia,/ del sudor o del llanto.

III, 314 PRIÈRE
(Mes dents sont émoussées
comme du choclo* rogné.)
«Ô père Viracocha,
bois le sang de tes yeux
sur mes mains!»
Penche la chair de tes lèvres
vers mon visage,
ô mère Mamacolla!»
(Comme du choclo moulu
mes os sont cassés.)
–Mon cœur se repose, enfin.

*Note du traducteur: Au Pérou on nomme «choclo» à l´épi tendre de maïs.

ORACION
(Mis dientes están romos/ como choclo mordido.)/ "¡Oh, padre Viracocha,/ bebe la sangre de tus ojos/ sobre mis manos!/ ¡Vuelve la carne de tus labios/ hacia mi rostro,/ oh, madre Mamacolla!"/ (Como maíz molido/ mis huesos están rotos.)/ –Al fin, mi corazón reposa.

III, 316 DES NOMS PROPRES
N'existe pas
le massif des Andes,
n'existe pas le fleuve Rimac,
n'existe pas la mer Pacifique;
la Nature n'existe pas non plus.
Le sillon et la motte existent,
le soleil et le ciel existent,
l'oiseau et la fleur existent,
l'arbre existe,
le nid existe,
le fleuve existe;
la pluie, le vent et la grêle
existent aussi;
mais le Pérou n'existe pas
dans cette terre
en face de cette mer,
au dessous de ce ciel.
La mer existe,
le nuage existe,
le massif existe.

DE LOS NOMBRES PROPIOS
No existe/ la Cordillera de los Andes,/ no existe el río Rímac,/ no existe el mar Pacífico;/ tampoco existe la Naturaleza./ Existe el surco y el terrón,/ existe el Sol y el cielo,/ existe el pájaro y la flor,/ existe el árbol,/ existe el nido,/ el río existe;/ la lluvia, el viento y el granizo/ también existen;/ pero el Perú no existe/ en esta tierra/ enfrente de ese mar,/ debajo de ese cielo./ Existe el mar,/ la nube existe,/ la cordillera existe.

III 317 DE MÊME QUE S'ÉCHAPPE L'AIR
De même que s'échappe l'air
parmi les trous d'un filet vide,
après tout,
on va parler de ce qui nous arrive.
Une vague de clameurs
écoute la clameur des vagues;
et de nouveaux vents de réclamations se révoltent
contre l'appeau des vents.
Pour que d'autres élaborent leurs propres clichés,
même contre ce qui ont témoigné d'autres époques
je certifie le présent.
Et cela suffit pas,
ce n'est même pas suffisant.

COMO SE ESCAPA EL AIRE
Como se escapa el aire/ entre los agujeros de una red vacía,/ después de todo,/ vamos a hablar de lo que nos sucede./ Una ola de clamores/ escucha el clamor de las olas;/ y nuevos vientos de reclamaciones se alzan/ contra el reclamo de los vientos./ Para que otros elaboren sus propios tópicos,/ aun en contra de lo que atestiguaron otras épocas/ doy testimonio del presente./ Y esto no basta,/ eso incluso no es suficiente.

III 318 PANDORE
I
Nos fils furent recrutés
pour l'armée de Huáscar.
Et par les troupes d'Atawallpa
nos champs furent saccagés.
II
Par là on va à la porcherie
à la cochonnerie du porcher.
III
Huáscar, notre seigneur,
est déjà en prison.
Dispersée fut la fleur
de ses armées.
Atawallpa, notre seigneur,
a aussi été assassiné.
IV
Ici reste le cochonnet
avec ses lardons et ses chorizos.

Note du traducteur: L'auteur utilise le mot «torrezno» (lardon) avec le sens de «torreznero» (fainéant) et le mot «chorizo» avec sa connotation de voleur.

PANDORA
I
Nuestros hijos fueron reclutados/ para el ejército de Huáscar./ Y por las huestes de Atawallpa/ asolados fueron nuestros campos.
II
Por allá se va al chiquero,/ a la porquería del porquero.
III
Ya Huáscar, nuestro señor,/ está en prisión./ Dispersada fue la flor/ de sus ejércitos./ Atawallpa, señor nuestro,/ también fue muerto.
IV
Por acá queda el cochinillo/ con sus torreznos y chorizos.

III, 319 AU SUJET DU FUTUR
Maintenant,
le plus terrible chez nous
sera de survivre avec l'espoir
de voir le passé revenir.

SOBRE EL FUTURO
Ahora,/ lo más terrible en nuestro pueblo/ será sobrevivir con la esperanza/ de que el pasado vuelva.

III, 320 ET MÊME TOUJOURS ENCORE PLUS
Plus que la distance qui éloigne les ombres des corps
et encore plus que l'écartement entre les pieds et leurs pas
et toujours encore plus davantage que la rupture existant entre le regard et les yeux
et même toujours encore plus que l'horizon, qui assume la réalité
comme une succession presque infinie de différents points de vue
c'est l'abîme qu'il y a
entre l'effort des paysans
et la contemplation des touristes.

Y AUN TODAVÍA ALGO MÁS
Más que la distancia que aleja las sombras de los cuerpos/ y algo más que la separación entre los pies y sus pasos/ y todavía algo más que la ruptura existente entre la mirada y los ojos/ y aun todavía algo más que el horizonte, que asume la realidad/ como una sucesión casi infinita de puntos de vista diferentes/ es el abismo que hay/ entre el esfuerzo de los campesinos/ y la contemplación de unos turistas.

III, 322 SUR LES RUINES
Sur les ruines
des temples de nos parents,
qu'ils ont défendu tout seuls avec la vie
devant leur propre mort,
nous
maintenant construisons avec les mêmes pierres
les nouvelles maisons des vainqueurs,
ceux-là même qui ont détruit l'image de tous nos dieux
changeant la colline en lande
la forêt vierge en désert,
les fleuves en fondrières sèches
et les chemins en un long cimetière
pour rassasier les vautours et les hyènes.

SOBRE LAS RUINAS
Sobre las ruinas/ de los templos de nuestros padres,/ que defendieron ellos solos con la vida/ ante su propia muerte,/ nosotros/ ahora construímos con las mismas piedras/ las nuevas casas de los vencedores,/ aquéllos que destruyeron la imaagen de todos nuestros dioses/ trocando el cerro en páramo,/ la selva virgen en desierto,/ los ríos en barrancos secos/ y los caminos en un largo cementerio/ para saciar el hambre de los buitres y las hienas

III, 323 ÇÀ ET LÀ TOUT EN COURANT
Çà et là tout en courant
nous vivons avec la menace
que l'on nous vole la ferme.
Surveillant les bornes.
Comme des lions*
nous nous défendons des ombres:
du pollen des marguerites,
même des papillons?

Note du traducteur: En espagnol l'expression «como gato panza arriba» signifie se défendre de toutes ses forces. L'équivalent français «comme des lions» n'a pas exactement la même nuance expressive.

DE ALLÁ PARA ACÁ
De allá para acá corriendo,/ vivimos con la amenaza/ de que nos roben la chacra./ Vigilando los linderos./ Como gatos panza arriba/ nos defendemos de sombras:/ ¿Del polen de margaritas/ o acaso de mariposas?

III, 324 AU BORD OU AU SOMMET
Au bord ou au sommet des collines,
aux carrefours du chemin,
au pied ou en haut des sources
et dedans ou en dehors des grottes
nous avons mis des pierres
ils ont mis des croix.

AL BORDE O EN LA CUMBRE
Al borde o en la cumbre de los cerros,/ en las encrucijadas del camino,/ al pie o en lo alto de los manantiales/ y dentro o fuera de las cuevas/ pusimos piedras;/ ellos pusieron cruces.

III, 326 DES ANNÉES DE FORMATION
J'ai vu des escadrons de chasse
sur l'Afrique
et les nègres fuir
en criant
au secourrrrs
la civilisation!
                     [Premier chapitre
                     de l'Histoire Universelle.]
Après j'ai vu dans les îles Caraïbes
un débarquement de «marines»;
j'ai aussi vu, après, sur la côte du Pacifique
la silhouette d'un drapeau yankee
ondoyer à la mesure des vagues.
                                                     [Leçon deuxième
                                                     de Géographie Américaine.]
Et un jour vous vous trouverez
parmi ces lignes
avec mon cadavre
ou avec celui d'un agent de la CIA.
                                                       [Littérature du Pérou,
                                                       version actualisée.]

AÑOS DE FORMACIÓN
Vi escuadrones de caza/ sobre África/ y a los negros salir huyendo/ gritando/ socoooorro,/ ¡la civilización!/ [Primer capítulo/ de Historia Universal.]/ Vi después en las islas del Caribe/ un desembarco de marines/ también vi después en la costa del Pacífico/ la silueta de la bandera yanqui/ ondear al compás de las olas./ [Lección segunda/ de Geografía Americana.]/ Y algún día se encontrarán ustedes/ entre estas líneas/ con mi cadáver/ o con el de un agente de la CIA./ [Literatura del Perú (versión actualizada).]

III, 328 DES BREBIS
Des brebis,
                  qui pour exister exigent
                  que quelqu'un rêve,
voient s'enfoncer le Soleil chaque soir
dans mon pays,
                         qui n'est pas
                         précisément
                         le pays des rêves.
Parce que d'autres ont rêvé, chaque soir,
de nos brebis et de notre soleil,
dans mon pays c'est seulement possible
la réalité
              qui existe
              dans les rares poèmes que nous parvenons à composer.

OVEJAS
Ovejas,/ que para existir exigen/ que alguien sueñe,/ ven hundirse el Sol cada tarde/ en mi país,/ que no es/ precisamente/ el país de los sueños./ Porque otros han soñado, cada tarde,/ con nuestras ovejas y nuestro Sol,/ en mi país sólo es posible/ la realidad/ que existe/ en los pocos poemas que logramos componer.

II 191 PROFIL SUR UNE AQUARELLE
N'essaie pas de te lever de mon ombre
sur laquelle tu te reposes
sauf si tu rêves
que je suis l'eau
où tes yeux voient
la soif que j'éprouve de tes lèvres.

PERFIL SOBRE UNA ACUARELA
No intentes levantarte de mi sombra/ sobre la cual reposas/ con tal que sueñes/ que soy el agua/ donde tus ojos vean/ la sed que siento por tus labios.

I ENCHANTEMENT
Parce que pour sentir une âme
dans une autre âme elle doit être sentie
laissons que leurs corps s'approchent
jusqu'à ce qu'ils forment
une seule ombre.

HECHIZO
Porque para sentir un alma/ en otra alma ha de ser sentida,/ dejemos que sus cuerpos se aproximen/ hasta que formen ellos una sola sombra.

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